En ce jour de la fête des Mères, permettez-moi de vous présenter en reprise, une chronique publiée l’année dernière…
ETRE LA MÈRE DE SA MÈRE
Ma soeur Dominique revient du boulot. Elle descend du métro et marche rue Monkland. Elle appelle ma mère:
«Qu’est-ce que tu aimerais manger, ce soir?
– Je prendrais bien un petit poulet de Cornouailles.
– Ça s’en vient!»
Notre mère aura bientôt 89 ans. Ses reins ne fonctionnent presque plus. Elle fait elle-même sa dialyse quatre fois par jour. Elle ne sort plus de chez elle. Elle se promène dans les livres, en musiques et en souvenirs.
Dominique finit ses courses et rejoint la maison. Comme tous les soirs, avant de rentrer chez elle, elle rentre chez ma mère. Ma mère habite en bas de chez ma soeur. Ou plutôt, ma soeur habite en haut de chez ma mère.
«Bonsoir maman!» Bisous sur les joues, Dodo replace les oreillers, met les fleurs qu’elle vient de lui acheter dans un vase et se dépêche de préparer le souper.
Elles mangent ensemble en regardant Questions pour un champion. Ma soeur raconte ses problèmes à l’ouvrage. Ma mère raconte ses solutions trouvées dans ses ouvrages. Puis Dominique monte chez elle retrouver son chum, qui vient d’arriver. Elle redescendra, plus tard, s’assurer que maman n’a besoin de rien et l’aider pour sa toilette du soir.
Le lendemain matin, ma soeur commence sa journée en apportant le petit-déjeuner à maman. Elle s’occupe du recyclage et se sauve au travail. Elle appelle maman, le midi, pour être certaine que tout va bien. Puis ce sera les courses pour le soir. La quiche, le vin et les marguerites dans le plateau. Sans oublier les aimantes inquiétudes: «Maman, tu ne manges pas assez! Maman, as-tu pris ton fer? Maman, c’est quand ton rendez-vous à l’hôpital?»
Ma soeur accompagne toujours ma mère à l’hôpital. Heureusement. Parce que ma mère, elle, quand un médecin lui demande comment ça va, elle répond toujours que ça va très bien. C’est sa nature. Dominique note minutieusement, au jour le jour, l’état de santé de maman: son extrême fatigue, sa perte d’appétit, ses petites absences. Elle est la mémoire de son coeur.
Parfois, ma soeur rentre le soir et ça ne va pas. Ma mère est dans un piteux état. Alors elles se précipitent aux urgences. Et ma soeur passe des nuits sur une chaise droite à veiller maman. On voudrait bien la remplacer, mais elle ne veut pas. C’est sa place. C’est sa responsabilité. C’est sa vie.
Personne ne sait autant maman que ma soeur. Mon frère Bertrand et moi, on adore notre mère. On la gâte. Si elle a besoin de nous, nous sommes là. Comme des fils. Mais ma soeur, elle, est toujours là. Pas comme une fille. Comme une mère.
Dominique n’a jamais eu d’enfant. Son chum et elle sont ensemble depuis plus de 30 ans. Danseuse de ballet devenue orthophoniste, elle vit dans son monde d’artiste, entourée d’amis fidèles.
Ma soeur n’a jamais eu d’enfant. Pourtant, elle est une des meilleures mères que je connaisse.
Elle est la mère de ma mère. De notre mère. C’est grâce à son amour inconditionnel, grâce au sacrifice de sa vie, grâce à sa tendresse, à son sens du devoir et surtout à sa présence quotidienne que ma mère est toujours aussi heureuse. Toujours aussi épanouie.
Le monde est rond. Le destin aussi.
Dans la même maison, il y a des années, il y avait une maman qui réglait tous ses agissements pour le bien-être de son mari, de ses deux gars et de sa fille. La maman est toujours là. Mais elle est fatiguée. Malade. Elle a besoin de quelqu’un qui règle ses agissements sur son bien-être à elle. Et c’est sa fille qui a pris la relève. C’est ça, le retour de l’amour. La récolte de ce qu’on a semé, la récolte de celles qui savent s’aimer.
En cette fin de semaine de la fête des Mères, j’aimerais remercier ma soeur de veiller sur la personne la plus essentielle de ma vie.
J’aimerais remercier ma soeur de veiller sur ma mère comme une mère. Parce que c’est la plus belle façon de veiller sur quelqu’un.
Je voudrais aussi saluer toutes ces femmes qui n’ont jamais eu d’enfant mais qui s’occupent de leurs parents, oncles, tantes, neveux, nièces, amis, avec tant d’amour qu’elles en deviennent maternelles. C’est votre fête aussi.
La journée de la fête des Mères, c’est la journée de celles qui ont compris que l’amour des autres, c’est l’amour de soi puisque l’autre est une partie de soi.
Il n’y a que pour les mamans que ce corollaire est aussi évident.
Merci de nous montrer l’amour.
Bonne fête des Mères!
Et des soeurs!
Sources : https://blogues.lapresse.ca/laporte/2013/05/12/etre-la-mere-de-sa-mere/