Le gouvernement Marois a du pain sur la planche s’il veut négocier avec succès son virage vers les soins à domicile, pierre d’assise de la future «assurance autonomie».Dans le premier tome de son rapport pour 2013-2014 déposé mercredi à l’Assemblée nationale, le vérificateur général fait état de graves déficiences dans les services à domicile offerts aux personnes âgées en perte d’autonomie.Contrôle de qualité insuffisant, absence de normes nationales, services variables d’un établissement à l’autre, évaluation des besoins inadéquate, délais interminables, le rapport du vérificateur général par intérim Michel Samson dresse une longue liste de lacunes dans la prestation des services.
Malgré l’ampleur des sommes investies – 2,3 milliards $ en hébergement et 500 millions $ en services directs – un sérieux redressement reste à faire, a soutenu M. Samson.«Il y a des sommes très importantes dans ce domaine-là mais il y a des lacunes majeures. Les personnes âgées en perte d’autonomie sont une population vulnérable et il y a un coup de barre à donner», a-t-il déclaré en conférence de presse.Dans les trois centres de santé et de services sociaux vérifiés – Ahuntsic–Montréal-Nord, Gatineau et Sud de Lanaudière – le rapport note le «peu de repérage» des personnes âgées vulnérables. En effet, l’état de santé de 60 à 70 % des aînés qui se présentent à l’urgence est méconnu du réseau.L’évaluation des besoins des personnes est souvent obsolète. Plus du quart des évaluations, soit 26 %, datent de plus d’un an. Quant aux services, ils sont disparates, offerts à des «degrés variables» selon les établissements.Les professionnels consacrent très peu de temps au domicile des personnes âgées et la proportion des heures consacrées au travail à domicile varie considérablement d’un endroit à l’autre.Cette proportion varie de 17 à 43 % pour les soins infirmiers et de 3 à 55 % pour les services d’ergothérapie. En moyenne, seulement 11 % des heures travaillées par des intervenants psychosociaux sont effectuées à domicile, la plus faible performance pour tous les types de services.Les délais d’attente pour recevoir de l’aide à domicile peuvent aussi être très longs, jusqu’à 1000 jours pour certains services.
Pour le vérificateur, l’état des services à domicile au Québec est le fruit de plusieurs années de laisser-aller. «Au fil du temps, on n’a peut-être pas fait tout l’encadrement ou l’établissement des normes comme on aurait dû le faire, ce qui a amené chaque région à fonctionner un peu à sa façon avec les résultats, malheureusement, qu’on a présentement», a-t-il analysé.
Des disparités de services similaires sont constatées pour les soins offerts aux déficients intellectuels et aux personnes souffrant de «trouble envahissant du développement» pour lesquels l’État a dépensé près de 900 millions $ en 2011-2012.
L’obtention d’un diagnostic est un processus long et ardu, pouvant s’étaler sur des années. Dans les CSSS vérifiés, des enfants n’ont pu avoir accès à des services spécialisés, faute d’avoir obtenu un diagnostic en temps opportun.
Aussi inquiétants qu’ils soient, les constats du vérificateur général ne sont pas une surprise, a dit le ministre de la Santé, Réjean Hébert.
«C’est la même lecture que je fais. Le vérificateur général vient confirmer ce que moi j’observe depuis des années, des dizaines d’années», a affirmé le médecin spécialiste en géronto-gériatrie.
Mais le coup de barre souhaité par le vérificateur sera donné bientôt, à partir de 2014, avec l’instauration de l’assurance autonomie, a-t-il assuré.
«Les CSSS vont être responsables d’établir des standards au niveau de la qualité des services, peu importe le prestataire. Les CSSS vont être responsables de faire respecter les standards mais ce seront des standards nationaux», a précisé le ministre Hébert.
Avec le débat à venir sur l’assurance autonomie, le rapport de M. Samson arrive à point nommé, a pour sa part souligné Louis Plamondon, de l’Association des droits des retraités (AQDR).
«On voit qu’il y a urgence pour une intervention, la situation est très grave dans l’ensemble de la province», a dit le président de l’AQDR, plaidant pour une réorganisation du réseau de façon à mettre fin au «foutoir» des services à domicile.